Madame Thanh-Van TRAN-NHUT à la maison du livre à Nouméa
Un lettré désigne une personne qui a une solide culture littéraire ; cultivé, érudit. Hier soir la maison du livre a eu le privilège de recevoir une lettrée en la personne de madame Thanh-Van TRAN-NHUT romancière spécialisée dans le polar au travers des enquêtes menées par le mandarin Tân dans le Vietnam du XVIIe siècle. Le choix de l’époque ainsi celui du personnage principal, un mandarin expert en arts martiaux, n’est pas banal.
Madame Tran-Nhut de formation scientifique écrit avec la précision d’une montre suisse. Une horlogerie parfaitement scénarisée avec une documentation et un travail de recherche qui laissent pantois. Elle a expliqué tout cela au public fasciné dès le début de son intervention par son aisance et sa connaissance de l’époque et du pays qui lui sert de décor pour sa série des mandarins Tân mais elle écrit aussi des histoires contemporaines avec le même talent.
Ce serait trop long de résumer ces deux heures d’un feu d’artifice de révélations sur la culture vietnamienne. Thanh-Van comme elle le fait dans ses livres peut en racontant faire passer les odeurs, les saveurs l’exotisme de son pays natal. Elle a su nous expliquer le mélange des religions et de philosophies pratiqué par les Vietnamiens en développant avec subtilité les différences entre le taoïsme et le confucianisme qui sont originaires de Chine, en rappelant au passage que la colonisation chinoise avait duré 1000 ans, ainsi que le bouddhisme en évoquant les rapports peu connus et anciens du Vietnam avec le Japon. Le choix du XVIIe siècle qu’elle affectionne n’est pas un hasard. C’est une époque charnière pour le Vietnam en rupture de leader ce qui faisait le jeu des seigneurs de la guerre, une phase de rivalité entre le Nord et Sud. Les seigneurs de la famille Trịnh dominent le Nord et ceux de la famille Nguyễn le Sud, tandis que les souverains Lê ne règnent plus que symboliquement. De plus, c'est de cette époque que date l’origine de la colonisation française.
Fille d’un professeur d’université et descendante de mandarin par sa mère madame Thanh-Van TRAN-NHUT n’est pas pour autant coupée du peuple. Elle sait reproduire l’humour des Vietnamiens que j’ai pu moi-même constaté à Hanoï pays d’origine de mon épouse. Quand son héros Tân sort de son palais pour s’encanailler ou faire ripaille incognito avec de petites gens cela peut conduire à des scènes très comiques que l’on a pu vérifier avec la lecture de passages par Pierre Faessel. Les scènes de combats entre Tân et des bandits de grands chemins sont très drôles, le Kung Fu à la mode Tân est à mourir de rire. Les titres ou sous titres de ses histoires donnent déjà envie de sourire comme Les travers du docteur Porc. Tran-Nhut parle véritablement de médecine dans ses livres et de beaucoup d’autres sujets qu’elle étudie dans des ouvrages d’historiens ou de chercheurs. Souvent le plus inattendu ou la révélation étonnante n’est pas dans la fiction mais dans de vrais pratiques ou des coutumes oubliées.
C’est une grande chance que cette convention qui permet à la maison du livre et la Nouvelle-Calédonie avec le Randell Cottage à Wellington en Nouvelle-Zélande de pouvoir recevoir les lauréats de la résidence d’écrivain. L’auteure interviendra chez Caledo Livres ce soir et à Koné pour la semaine du livre en province Nord. J’invite les amateurs qui veulent se régaler et s’enrichir de littérature de haut niveau à aller à la rencontre de madame Thanh-Van TRAN-NHUT.