Embarquez sur l'Iphigénie
Le 9 mai 1864, l’Iphigénie arrive à Port-de-France avec à son bord, les premiers forçats envoyés en Nouvelle-Calédonie… 150 ans après au Musée maritime l’histoire du bagne tout au long d’une soirée pleine de découvertes et d'évocations ce samedi 14 juin.
Ce spectacle prévu pour la nuit des musées avait été annulé à cause des intempéries.
Résumé : Au travers d'une exposition, de saynètes de théâtre de la Cie de l’Archipel, de lectures d’Alain Mardel, de la musique du Quatuor à cordes. Le public sera embarqué de Toulon à Port-de-France sur l'Iphigénie...
L’Iphigénie, frégate aménagée pour le transport des bagnards, appareille de Toulon le 6 janvier 1864 à destination de la Nouvelle-Calédonie. A son bord, on dénombre 663 personnes dont 250 bagnards, pour la plupart condamnés à de lourdes peines et sélectionnés selon leurs compétences présumées. La construction du futur pénitencier de Nouvelle-Calédonie est alors une priorité.
Un livre sur le bagne
De 1863 à 1931, la Nouvelle-Calédonie est connue sous le nom de « la Nouvelle ». Vingt-deux mille transportés des travaux forcés, plus de 4 000 déportés politiques, surtout de la Commune de Paris, près de 4 000 relégués, en majorité récidivistes de délits mineurs, auxquels il faut ajouter plus de 1 000 femmes transportées ou reléguées y débarquent, faisant de cette terre kanak du Pacifique Sud, l'archipel des forçats. Louis-José Barbançon retrace l'histoire de la Transportation des forçats à « la Nouvelle ». Une histoire vécue à travers l'exemple du premier convoi de 250 forçats de l'Iphigénie, arrivés dès 1864. Comme l'écrit l'auteur : « dans un pays d'immigration, l'importance dévolue aux premiers arrivés, pionniers volontaires ou malgré eux, reste une dominante de la conscience collective. On a les Mayflower qu'on peut ». Il s'agit par une étude exhaustive des dossiers individuels de ces premiers transportés de retrouver leurs origines et de découvrir leur vie et leur devenir dans la colonie pénitentiaire. Ce ne sont pas des forçats virtuels qui sont mis en scène mais bien des hommes de chair et de sang replacés dans le contexte historique d'une terre de bagne, face à la répression ou à la réhabilitation. L'originalité de ce travail tient dans le fait qu'au-delà des lois, des statistiques, de la chronologie, l'auteur tente de donner la parole à des femmes et à des hommes de rien dont il est lui-même originaire, faisant accéder ces oubliés de toujours, comme l'écrit en préface Michelle Perrot « à la dignité de l'Histoire ».
Une petite anecdote au sujet de l’Iphigénie
Le docteur Simmonet est un descendant du commandant César Auguste Dugat, chef d'escadron de gendarmerie en retraite arrivé en NC avec le premier convoi de condamnés par l'Iphigénie le 9 mai qui fut désigné pour diriger l'Administration pénitentiaire. Il m’avait écrit en 2011 pour me demander des renseignements sur son ancêtre et Louis-José-Barbançon m’avait fait parvenir ce document qui est complètement en rapport avec l’arrivée du fameux bateau. JP
" DUGAT arrive en NC avec le premier convoi de condamnés par l'Iphigénie le 9 mai 1864 parti de Toulon en janvier de la même année. Ma thèse a été publiée très résumée sous le titre L'Archipel de forçats par les Presses Universitaires du Septentrion, www.septentrion.com. Dans ce livre Dugat est cité plusieurs fois.
Extraits de ma thèse concernant DUGAT". LJB
Pour diriger l'Administration pénitentiaire, le choix du ministère s'est porté sur le commandant Dugat, chef d'escadron de gendarmerie en retraite, qui, selon les termes mêmes du département, "par la nature de ses fonctions antérieures est initié à toutes les questions relatives à la police, la discipline, au régime des prisons", et qui possède de plus, ayant accompli "un long séjour en Guyane", "des connaissances sur la transportation."(1)
Si ces derniers (les gardes-chiourme) ont été recrutés parmi le personnel servant à Toulon, il faut rappeler que le directeur du pénitencier Auguste Dugat, chef d'escadron en retraite, est issu de la gendarmerie et qu'il voyage accompagné de sa femme.
Plusieurs fois, Guillain renouvellera ses demandes en faveur de la création d'un "corps de surveillants, du personnel supplémentaire pour la gendarmerie et une compagnie supplémentaire d'infanterie de marine»(2), n'hésitant pas même à dénoncer "l'incapacité notoire de M. Dugat comme chef d'administration" (3), ou le "choix malheureux" de Fournier en tant que commandant de pénitencier (4).
Dugat embarque, le 10 septembre 1868 sur l'Alceste, officiellement en congé de convalescence et il est remplacé par Aristide Jules Charrière qui débarque à Nouméa, le 13 décembre 1868, du Marceau et prend le titre de directeur de l'Administration pénitentiaire. (5)
1 -Dépêche du 26 novembre 1863, A.O.M., série Colonies, carton H 24. Le traitement de Dugat est fixé à 5.500 F plus une pension de 2.500 F.
2- Rapport du 4 février 1867, A.O.M., fonds Colonies, carton H 24.
3- Rapport du 5 octobre 1867, A.O.M., fonds Colonies, carton H 24.
4- Rapport du 5 avril 1867, A.O.M., fonds Colonies, carton H 24. Fournier, capitaine d'artillerie à la retraite a été nommé commandant du pénitencier de l'île Nou le 25 novembre 1865. Dans un rapport ultérieur du 4 février 1868, (mêmes références), Guillain le décrira comme ayant "un esprit détraqué incapable d'un raisonnement quelconque."
5- A.O.M., fonds Colonies, registre H 782. Le 5 septembre précédent, Guillain a pris une décision qui remplace le titre de chef de l'Administration pénitentiaire par celui de Directeur, Bulletin Officiel de la Nouvelle-Calédonie (1868), op. cit., p. 311.