LA COUTUME KANAK DANS L'ETAT
Cahiers du Pacifique Sud Nouvelle Calédonie chez l’Harmattan
La Nouvelle-Calédonie approche désormais du référendum d'autodétermination de 2018 devant décider de son avenir politique. Vingt ans après l'accord de Nouméa, ce scrutin clôturera un processus de décolonisation dans la République, qui incluait la création d'une citoyenneté néo-calédonienne fondée sur la reconnaissance préalable de l'identité kanak. L'inscription progressive de la "coutume" dans les domaines du droit, de la justice et de la politique a eu pour effet de cliver le débat sur les formes possibles de l'émancipation kanak. Cet ouvrage éclaire les enjeux et tensions. Le cas calédonien renouvelle la réflexion sur l'unicité de l'Etat et ses limites en situation coloniale et postcoloniale.
Benoît TREPIED Chargé de recherche CNRS
Domaines de recherche
Benoît Trépied mène une anthropologie historique de la citoyenneté en situation coloniale et postcoloniale. Ses recherches portent en particulier sur les relations raciales et la politique locale en Nouvelle-Calédonie coloniale, les enjeux contemporains de la décolonisation dans le Pacifique et l’outre-mer français, et la construction des savoirs en contexte colonial et postcolonial. Au croisement de l’ethnographie, de l’histoire et de la sociologie, ses travaux questionnent les conditions de production des sources, la pratique réflexive de l’enquête et les rapports entre savoir et pouvoir.
Fondée sur une longue enquête de terrain (deux années sur place) et aux archives, sa thèse de doctorat, soutenue en 2007 et publiée en 2010, portait sur les transformations des rapports sociaux et politiques à l’échelle de la commune rurale de Koné, au nord-ouest de la Nouvelle-Calédonie, à partir de l’accession des Kanak à la citoyenneté (1946). Au-delà des clivages raciaux et disciplinaires – entre anthropologie du monde kanak et histoire des colons –, cette recherche pluridisciplinaire « au ras du sol » était simultanément inscrite dans une réflexion plus large sur les grands changements juridiques et politiques de la Nouvelle-Calédonie et de la France d’outre-mer après la Seconde guerre mondiale. Dans la continuité de cette recherche, il travaille désormais sur les transformations des relations raciales à Koné du XIXe siècle à nos jours, en collaboration avec l’historien Adrian Muckle.
Benoît Trépied enquête également sur le processus actuel de décolonisation en Nouvelle-Calédonie et les nouvelles tensions qu’il génère, notamment du point de vue des diverses stratégies kanak de recouvrement de souveraineté (par l’indépendance statutaire, la citoyenneté française, ou les « droits autochtones »). Il s’intéresse en particulier aux enjeux soulevés par la mise en œuvre d’un droit civil coutumier kanak au sein du système judiciaire français, à partir de l’observation ethnographique des séances du tribunal coutumier et d’entretiens avec les « assesseurs coutumiers » kanak. Il s’interroge aussi sur les liens entre recherche et décolonisation, en replaçant notamment sa propre expérience au sein d’une histoire longue des rapports entre le savant et le politique dans le contexte calédonien.