Paroles de Thio
Un spectacle à voir et revoir avec des amis. Il s’est bonifié de représentation en représentation. Je suis fier d’avoir participé à l’écriture de ce beau spectacle au point de faire cette page. JP
Les Artgonautes du Pacifique et la Bibliothèque Bernheim ont présenté Paroles de Thio dans tout le pays. Ce spectacle est en ce moment, en mars 2017, joué sur Nouméa.
Pour certains la richesse de la Calédonie c’est le Nickel. L’entreprise symbole : La SLN. Cette SLN est née à Thio en 1880. Autour d’elle une commune s’est créée avec de nouvelles normes, de nouvelles règles. Des populations de là-bas déplacées à ici et des populations d’ici déplacées à là-bas. Un destin commun se forgeait dans la mine et la douleur. Pendant un siècle la commune a vécu au rythme de La SLN et son histoire a toujours été intimement liée à l’Histoire du Pays : colonisation, évangélisation, Guerres mondiales, fin de l’indigénat, Boom du Nickel, « événements » pour certains, guerre civile pour d’autres.
Aujourd’hui, beaucoup sont partis de Thio, arrachés comme les cultures lors des inondations. Beaucoup d’autres tentent de trouver un chemin entre la Mine et la Tradition. Certains se perdent, d’autres se retrouvent….
Paroles de Thio, ce sont des graines de Parole données par les gens de Thio ou ayant habités à Thio, graines plantées dans le terreau fertile d’auteurs du Pays qui en ont fait naitre des boutures de Paroles. Trois comédiens entremêlent leur art et vous les offrent en bouquet.
Direction Artistique : Sylvain Lorgnier
Mise en scène : Nordine Hassani (son site)
Comédiens : Maité Siwéné, Erwan Botrel, Siman Wenethem pour découvrir ces formidables comédiens
Ecrivains : Fly, Joël Paul, Denis Pourawa, Maité Siwéné, Erwan Botrel, Kevin Rolland ; Sylvain Lorgnier
Enquêteurs : Sylvain Lorgnier, Igor Deseneux
Recherches documentaire : Sylvain Lorgnier, Jean Pascal Roullet-Audy
Ce spectacle a rencontré beaucoup de succès en brousse et aux îles. Il devrait séduire les nouméens qui n’ont pas encore eu le plaisir de le voir. Au dernier SILO de Poindimié « Paroles de Thio » a été très apprécié.
Thio a trop souvent fait la une des faits divers, pourtant cette commune revendique sa pluriethnicité. Thio est une plaie ouverte pour beaucoup de Calédoniens à cause du souvenir des événements politique et de la vie d’antan. Les cicatrices de l’exploitation minière bien visibles sont aussi des blessures que Thio, l’oubliée, a besoin de panser. JP
Histoire de Thio http://www.thio.nc/commune/histoire
Qui est Nordine Hassani, conteur professionnel
Directeur artistique de la compagnie Hécate, Nordine Hassani évolue dans l’univers des arts de la parole depuis vingt-cinq ans. Il se concentre sur « l’approche de l’écrit à l’oral, par le biais de l’écriture contemporaine ». D’abord comédien, il est aujourd’hui metteur en scène et travaille principalement à partir de paroles collectées à la façon de Paroles de Thio. Cette passion pour l’oralité l’amène régulièrement en Nouvelle-Calédonie, terre où il retrouve « des amis fidèles, compagnons de la parole, comme Sylvain Lorgnier et Gilbert Tein », ainsi que la bibliothèque Bernheim, « un partenaire exceptionnel », confie-t-il au journaliste du Poemart en 2015
Dans la presse à Nouméa
PAYS dans Les Nouvelles Calédoniennes
ACCUEIL > PAYS > CULTURE > DES PAROLES DE THIO BONNES À ENTENDRE
Des Paroles de Thio bonnes à entendre
Théâtre. Thio a une histoire exacerbée dont les habitants ont du mal à cicatriser. La pièce Paroles de Thio a permis de collecter les propos de gens ordinaires pour en faire quelque chose de puissant et d'universel.
Les comédiens en répétition au centre d'art de Nouméa
Dernières répétitions, hier, au Théâtre de poche avant les premières vraies représentations dans la capitale. Sur scène, les comédiens changent de rôle avec fluidité. Photo Thierry Perron
Julia Trinson / julia.trinson@lnc.nc
Crée le 16.03.2017 à 04h40 - Mis à jour le 16.03.2017 à 10h48
Ils sont trois sur scène. Mais ils portent la parole d’une multitude. Celle des déracinés, celle des jeunes qu’on prend pour des délinquants, celle des vieux restés tournés vers un passé enjolivé, de ceux qui ne voient pas d’avenir tant le présent est oppressant. Celle de ceux qui maugréent, de ceux qui prient, de ceux qui voudraient rêver.
Car avant l’écriture de Paroles de Thio, un patient travail de collecte a été effectué, en 2013 et 2014, auprès d’habitants de Thio, actuels et passés.
Dans un second temps, les textes ainsi recueillis ont fait l’objet d’un travail d’écriture, puis d’un travail de mise en scène pour arriver, aujourd’hui, après pas mal de représentations en Brousse, à une forme presque finale, la pièce restant un objet mouvant.
Processus
C’est Nordine Hassani, qui avait déjà mis en œuvre le processus « d’extraction de la parole » dans une grande cité du Nord de la France, qui a transmis le procédé aux Calédoniens qu’il connaît bien puisqu’il vient régulièrement sur le Caillou depuis 1995. Son complice Sylvain Lorgnier, créateur de la compagnie les Artgonautes du Pacifique, a mis en œuvre le projet, entouré d’auteurs et de comédiens.
La commune de la côte Est, qui a vu naître la SLN, a vécu la violence de l’installation coloniale, le boom du nickel, les Evénements, la désertification…
Un condensé d’histoire calédonienne dont les habitants ont du mal à se remettre. Ce sont les traces - voire les cicatrices - de ce passé qui marquent encore le quotidien.
La force de la pièce, c’est de servir la parole de gens ordinaires, tout en y mêlant le vécu, la personnalité des artistes.
Marithé Siwéné, ses personnages de mamies loquaces et sa théâtralité ; le slameur et danseur Siman Wénéthem et son phrasé solennel ; Erwan Botrel et son univers musical roots…
Entre les différents rôles qu’ils interprètent, ils sont bien là, sur scène. « Ils devaient être le plus sincères avec eux-mêmes dans leur personnalité, pour que le spectacle puisse trouver un écho même chez des personnes qui ne sont pas forcément sensibles aux cultures calédoniennes », résume Sylvain Lorgnier.
Nostalgie et humour
En solo, en duo ou en trio, les comédiens mêlent théâtre, musique, slam et occupent la scène comme s’ils étaient une multitude.
Leur force est de respecter les paroles qui leur ont été transmises pour conserver tout ce qu’elles comptent d’ambiguïté, de doutes, de nostalgie, de désespoir, d’humour aussi. La vérité a plusieurs facettes plusieurs voix. Et c’est en les écoutant que l’on comprend.
Pourquoi ai-je été inspiré pour écrire un texte de ce spectacle ?
Ci-dessous l'extrait dune de mes premières nouvelles :
Le lendemain, je roulais en direction de la mine de Kouaoua. J’allais pour la première fois découvrir la mine avec mon guide et chauffeur Martinez.
— Dis-moi, l’accident, comment est-ce arrivé ?
— L’accident ! Quel accident ?
— L'accident de papa bien sûr, repris-je étonné.
— La connerie, tu veux dire. Lui, y pense : « J’ai la scoumoune ». Ton père y veut être plus malin que les autres. Il dit toujours : « ce qu’un homme ... »
… Il était sur mine depuis quatre jours qu’il faisait l’unanimité, contre lui. Il arrachait les rétroviseurs des autres poids lourds en les croisant. La piste n’est pas large. Parfois, il faut faire plusieurs manœuvres pour sortir d’une épingle. Et lui, à fond la gomme, toujours à la limite de la casse. Écoute bien ça, petit. Le pire, putain de ta mère ! Non seulement la piste est étroite, sinueuse et glissante pour descendre le minerai du plateau au bord de mer, mais en plus, côté ravin, elle s’effrite. Donc, la règle sur cette mine, tu roules chargé, côté montagne, et à vide côté ravin. Avec la fatigue, ton père, y s’rappelle plus de quel côté il faut rouler. Il hésite, passe sur le flanc du côté montagne, puis du côté ravin avec seize tonnes au cul. En face, il y a un Magirus. Voyant qu’il se plante, l’autre change de côté, puis il revient, puis rechange de côté.
Ils finissent par s’encastrer l’un dans l’autre…
Extrait de ma nouvelle Le camion du boulanger de mon premier recueil de nouvelles « Coup de Soleil sur le Caillou » en 2006. Je faisais tout à l’époque, les dessins d’illustration etc... Je n’avais pas l’érudition mais la sincérité. J’écrivais des récits plutôt autobiographiques. Le personnage, mon père, a effectivement roulé sur mine, il est décédé en 2014. Le personnage Martinez, c’est mon ami Alain, décédé en mars 2017. Il a été incinéré le jour de son anniversaire.
Photo de moi au musée de Thio