La Nouvelle-Calédonie et l'imagination intellectuelle se sont emparées de la librairie Calédo Livres ce mercredi soir.
Tandis que des millions de téléspectateurs regardaient l’émission littéraire Livres Ensemble sur NCTV Calédonia, une première pour notre télé pays, les intellectuels présentaient leur ouvrage place des cocotiers. Jean-Paul Sartre, définissait l'intellectuel comme « quelqu'un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas ». Je n’ai pas osé le dire à nos amis du Caillou fin heureux de refaire « notre île ».
Une fois de plus la librairie (du côté de la mairie) était trop petite pour accueillir la foule des intellectuels qui poussent comme des champignons du nord au sud du Caillou depuis l’émancipation du pays. Les éclaircissements des auteurs sur leur participation au livre et le débat qui a suivi étaient enrichissants. On peut noter que ce livre est né d’un colloque en Australie, voyage des intervenants payé par les Australiens. Notre grand voisin s’intéresse à nous et encourage l’imagination intellectuelle. Cette causerie était une parfaite transition pour le futur SILO qui aura pour thème « le lien ». Mais attention, ce n’est pas de politique, c’est une réflexion purement intellectuelle, une précision pour éviter de fâcher Hamid Mokadden coordonateur de ce travail. JP
PS : Merci aux éditions L’Harmattan d’exister pour le bonheur des auteurs en manque d’éditeurs. On critique à tort et à travers L’Harmattan qui publie pourtant souvent des pépites.
Ci-joint quelques photos de cette soirée sans résumé possible pour ne pas trahir les propos des intervenants. Vous trouverez ci-dessous un extrait de l’avant-propos.
Ecouter l’émission radio NC 1er avec Hamid Mokaddem du 21 Mai 2019 en suivant ce lien.
La Nouvelle-Calédonie et l'imagination intellectuelle, Sous la direction de Hamid Mokaddem, Scott Robertson et Ingrid Sykes.
Ont contribué à ce travail collectif : Luc Enoka Camoui, Paul Fizin, Nicolas Kurtovitch, Hamid Mokaddem, Adrian Muckle, Pierre-Christophe Pantz, Catherine Ris, Scott Robertson, Christophe Sand, Angélique Stastny, Ingrid Sykes, Georges Waiwen Wayewol.
Avant-propos (extrait de l’ouvrage)
La Nouvelle-Calédonie est située à un peu plus de trois heures de vol des principales villes d'Australie et de la Nouvelle-Zélande Bien que les chercheurs de ces deux pays aient longtemps dominé la recherche sur cette région, la Nouvelle-Calédonie reste encore mal comprise. Il en est d'ailleurs de même des autres territoires du Pacifique sous souveraineté française tels que la Polynésie française ou Wallis et Futuna. Pour beaucoup, la formation universitaire sur cet archipel se résume à un programme d'études de quelques semaines en langue française à l'Université de la Nouvelle-Calédonie. Deux d'entre nous, spécialistes des sciences humaines en Australie, avions le désir d'en connaître un peu plus que ces séjours linguistiques et formations pédagogiques. Nous n'avons pas la prétention de tout avoir compris au sujet de la Nouvelle-Calédonie lors de nos visites. Cependant, ses images, ses rythmes de vie, ses inégalités et sa ségrégation sociale (qui sont évidentes) nous ont touchés. La façon dont ses habitants désignent la France comme « la métropole » et la Nouvelle-Calédonie simplement comme « le territoire nous a particulièrement frappé. On s'y sentait bien plus proches de la métropole. À notre retour, nos amis et enseignants nous ont demandes de faire part de nos impressions. Nous avons rencontré des difficultés à répondre à leurs questions. Qu'est-ce que la Nouvelle-Calédonie ? Une partie intégrale du territoire français diront certains. Une colonie, répondront d'autres. Un juriste, lui, argumentera qu'il s'agit d'une collectivité d'outremer sui generis. Comment expliquer ces différences de perception à un Australien moins informé sur le sujet ?
Notre bref aperçu de la vie calédonienne, dans toutes ses contradictions, nous a profondément intrigués. Nous avons donc commencé à approfondir nos recherches sur la Nouvelle-Calédonie, via une thèse de doctorat examinant la façon dont la décolonisation façonne la politique de la citoyenneté en Nouvelle-Calédonie, et au travers d'un compte rendu sur l'impact de la lèpre sur les cultures et la société kanak. Au fil de nos recherches, nous nous sommes aperçus que les mêmes débats agitaient les sociétés australienne et calédonienne. Nous sommes convaincus que ce pays a beaucoup à nous apprendre sur les défis auxquels sont confrontés les peuples autochtones et non autochtones, leur réconciliation et la construction d'un avenir affranchi de la logique coloniale dans laquelle les débats actuels sont toujours englués. Que signifie construire une communauté politique dans laquelle la souveraineté autochtone est reconnue et valorisée ? Quelles sont les conséquences d'une telle reconnaissance pour le reste de la population ? De telles questions sous-entendent que la décolonisation ne se limite pas à un processus institutionnel mais qu'elle requiert une transformation des mentalités.
Ce volume est d'abord le fruit de nos discussions sur l'importance de la Nouvelle-Calédonie en tant que site de recherches pour les chercheurs australiens. Notre regard extérieur sur le pays nous a permis d'entrevoir le potentiel de ce lieu pour le développement de la recherche, au confluent des thèmes clés de nos disciplines, la politique et l'histoire. La Nouvelle-Calédonie offre une nouvelle perspective sur ces disciplines et cristallise l'essence éthique, émotionnelle et matérielle de nos travaux. Elle nous a permis de clarifier le cadre de nos disciplines universitaires, de lui conférer une netteté extrêmement saisissante. C'est alors que nous nous posâmes la question : Comment les chercheurs travaillant en Nouvelle-Calédonie se percevaient-ils eux-mêmes, et percevaient, par la même occasion, leurs disciplines ? Quelle direction le contexte néo-calédonien faisait-il prendre à leurs recherches ? Nous décidâmes d'intituler notre symposium «La Nouvelle-Calédonie et l'imagination intellectuelle : redéfinir les modes de pensée disciplinaire existants ». Nous cherchions à discuter de la façon dont la Nouvelle-Calédonie historique et contemporaine reconfigure à la fois notre compréhension des domaines clés des sciences humaines occidentales (aussi bien françaises qu'anglo-saxonnes) et la pensée scientifique sociale des différents domaines tels que ceux de la politique, la religion, l'histoire, l'archéologie, la sociologie, l'anthropologie, la philosophie et du droit. De récentes recherches sur le territoire ont permis une compréhension beaucoup plus détaillée de la mise en ouvre de l'Indigénat, du sens de la religion et de son usage, du mouvement migratoire des populations du Pacifique sur le territoire et dans la région, de la perspective de la jeunesse kanak, des inégalités spatiales dans le paysage calédonien et de la mécanique juridique, économique et politique à l'œuvre dans l'espace public néo-calédonien.
Le but de ce colloque était de construire une méthodologie plus complète qui reconnaisse la position historique et contemporaine unique de la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique dans un contexte mondial en pleine mutation. Comment ce territoire peut-il constituer un modèle pour la construction de nouvelles théories sur le nationalisme, le développement économique, politique, juridique, émotionnel et postcolonial ?
Pierre-Christophe Pantz (géopolitique), Angélique Stastny (science politique), Ingrid Sykes (histoire) et Scott Robertson (science politique) ont décrit la façon dont leurs disciplines, au sein du contexte néo-calédonien, ont évolué en fonction de directives colonialistes ou décolonialistes, artificielles ou réelles. Ce « moulage » disciplinaire a conduit de nombreux auteurs à critiquer violemment leurs propres disciplines. Ils reconnaissent que le contexte néo-calédonien les a conduits dans l'impasse où elles se débattent actuellement. Par ce terme de « moulage », on entend le remaniement survenu après 1988, qui menace de faire dérailler le tissu critique de chaque discipline. En effet, comment celles-ci peuvent-elle espérer progresser sans placer la question kanak au cœur de leur problématique ? … La suite à lire sur ce livre savant voir article de l’an passé sur ce blog
d'autres images avec un public qui n'a pas ménagé les intervenants avec des questions percutantes