Mots pour Maux : Sandrine Teyssonneyre, poésie parfumée d’une poétesse confinée

La femme Ylang
Femme-ylang, femme longue comme un feu follet
Femme-soleil, femme-flamme
Femme-feu, femme reflet de lumière
Femme boomerang de clarté
Femme allongée comme une javanaise
A l’ombre d’un patchouli violet
Reflet de cosmos éloigné des hommes
Femme-lumière comme un œil singulier
Qui pend des cieux
Femme-fée, femme-magie
Femme aux doigts d’or qui cousent des mots
Des mots comme des câlins d’ylang
Vert, tropical
Ylang en langues de chat
Vertes et jaunes
Lambeaux de nature divine
Qui tombent comme des lames
Femme au firmament
Femme nue sur le sable dormant
Femme fusion-nature
Nouvelle trinité du feu : jaune, vert, bleu
Trinité sans foi ni loi
Sans croix ni poisse collective
Sans ordre de marche arrière
Sans ordre, un point c’est tout
Trinité de la simplicité
Chassez le naturel, il revient au galop
Naturel ylang où l’on s’endort
Dans les bras de Morphée
Ylang comme un habit de soie
Sur la peau dorée
Comme une combinaison du soir
Sur la peau mouillée
Ylang qui berce les chagrins
Et les transforme en poudre d’or
Ylang qui défait les nœuds
Pour laisser un espace Pacifique
Ylang comme un souffle de soi
Comme un être retrouvé
Ylang comme une matière organique
Pour refaire une vie volée
Dans la longueur de la liane jaune soleil
Qui se penche sur l’eau dorée
Et la mord, comme un sexe
Offert devant l’éternité
Des fleurs comme l’air
Un air saturé de perles rares
Grises comme un jour de tempête aux Marquises
Des odeurs diaphanes
Qui perlent comme des gouttes d’eau d’Asie
Eau rosée de lotus
Eau dorée de jasmin Sambac
Eau bleue d’iris
Planté dans un bassin parsemé de nénuphars
Des fleurs qui s’unissent
Avec l’air et les eaux
Sans frontières entre les éléments
Des pétales de velours
Qui s’égrènent au fil du temps
Au fil des sources qui s’acheminent entre les continents
De la rose en gouttelettes bulgares
De la rose au thé et du thé à la rose
Thé blanc comme un matin blafard de lumière aveuglante
A Lombok
Des lotus clos comme des fenêtres de palais siamois
Au cœur de l’été de mars
Des lotus roses comme la rose de Taïf
Avec la respiration en plus
Des lotus qui émergent de l’eau
Comme des dards attirés par le cosmos
Des lotus en brassées
Les jours de marché dans Bangkok l’optimiste
Des orchidées violettes
En bouquets illimités
Des orchidées qui baignent dans une cuvette de cuivre
Et font un avec les parois du métal
Des orchidées de soie comme des écharpes nouées sur les seins
Nus au soleil tropical
Des orchidées qui suintent de la sueur sucrée
Comme d’énormes litchis qui explosent
Contre le palais assoiffé
Par l’ardeur d’une humidité qui cloue le corps
Aux draps du lit
Des frangipaniers blancs et jaunes
Qui parfument la marche du visiteur
De Lumpini dans l’aube exotique
Des tipaniés en colliers
Pour remplacer une chemise usée
Par la civilisation morte
La culture qui tue par l’habit
Et le devoir de la morale du mensonge
Des tipaniés qui mettent les rois à nu
Et dévoilent la lâcheté
Au ciel règne l’orchidée immense
Plus grosse que le soleil
Ouverte
Comme une coupole violette et verte
Une coupole crue comme une feuille craquante
Ses pétales de satin brillant
Retombent sur les âmes apeurées
Et les éclaboussent de molécules jasminées
Pour que les âmes regagnent la liberté
De vivre et de se mouvoir
Dans l’infinité de l’espace
Ouvert
Sandrine Teyssonneyre
Lien vers l’article Dictée du Pacifique 2020 (la grande gagnante a été Sandrine)