Causerie Thierry Charton ce mercredi 25 novembre à Calédo livres
Résumer les propos de Thierry Charton, ce n’est pas aisé. L’auteur, philosophe, entier, débordant d’énergie, franc du collier pour utiliser une expression populaire, est parfois déroutant. C’est le roi des phrases longues comme dans sa présentation de Fin du malentendu ; il a tellement de choses à dire, de désir de communiquer sans filtre et sans tabou.
À chacune de ses interventions son fan club grossit. Il a encore réussi à captiver le public, il a parlé avec passion de son écriture, de la musique de ses textes, il aime les sons qu’il arrive à faire passer avec des mots. Il faut que ça claque, il est percutant comme on entre dans une mêlée de rugby, son sport préféré. Il a bien voulu me faire cadeau de sa propre recension, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Ci-dessous, vous trouverez la première partie. L’intégralité est téléchargeable en suivant le lien en fin de l’extrait. JP
Le texte de Thierry Charton à propos de son ouvrage :
Ecrire, se jeter dans une petite lumière comme dans un grand brasier, quand les mots ont encore des préférences, des audaces pulsionnelles, du rentre dedans, dedans soi-même, mais pour s’expulser de cette construction familiale, sociale, philosophique, professionnelle, dès le départ, bien comprendre sa nature artificielle, moi, je, ces falsifications de la machine intérieure dans laquelle nous croyons être un, tangible, reconnaissable, d’une seule pièce manufacturée, cette magnifique foutaise qui nous tient en lieu et place d’une illusion, d’une raison d’être sans être, d’une prison dont les quatre murs prennent aussi l’apparence d’une nature idéalisée, projection d’un moi idéalisé, ces beautés conventionnelles, ces montagnes plates, ces altitudes de serpent, cet air vicié, ces mots remâchés, digérés, desséchés dans la langue des poètes infirmes, quand les autres, eux aussi, ne sont que des faire-valoir pour une recherche effrénée de respectabilité, de reconnaissance héroïque, quand la machine égotique se fortifie au contact des autres machines égotiques, brosse à reliure, courbettes, salons, vernissages, causeries, quand l’infatuation prend le contrôle, quand sa puissance œuvre dans le feutré des avis sans intelligence, sans pertinence, sans acide, langue de bois, langue de vipère, brosse à reluire, ce grand bal des faux-culs artistes, quand le pire est à venir, outre ces flagorneries, complaisances, médisances, méchancetés, quand c’est l’art qui en pâtit lui-même, se trouve mal, dégueule dans un coin de roman, de tableau, de partition musicale, quand cet artiste des bacs à sable tue l’art par manque d’intelligence, de travail, de sensibilité, cet imbécile qui aurait dû se tuer, implacablement, méthodiquement, définitivement, devenir ce grain de sable au cœur de sa machinerie douloureuse, familiale, sexuelle, pour enfin réussir, peut-être, à se sortir de son malentendu natal, de son propre désastre, faire face enfin à tout ce qui le dépasse, à toute son horreur, à toute sa nuit, à tous ses mensonges, à toutes ces beautés interdites, en définitive, à tout ce qui l’empêche d’accéder à sa sensibilité sauvage et à la source de ses affections primordiales.
Fin du malentendu est la narration d’une libération maladroite, chaotique jusqu’à la décision finale du grand voyage vers la Nouvelle-Calédonie, récit-récif contre lequel le fond romanesque s’écrase, où la violence - sport, alcool, suicide, sexe, sadisme, illuminations en tous genres – indique les degrés d’une confrontation totale avec mon ombre, ma tristesse, ma grande joie, mes excès, si loin des prismes de la censure morale, de la bienséance, de la demi-mesure, ces langages de la machinerie punitive qui transforme souvent la littérature en machines répressives, tous ces romans, nouvelles, poèmes, ces expressions pauvres venues de pulsions refoulées, de mots proscrits, de phrases mutiques, où la Nature est réduite à un pauvre agencement syntaxique qui se donne l’air, sans queue ni tête, mots creux, sans objet, sans horizon, sans expérience décisive, sans corps, sans bile, anémiés à force d’avoir été saigné comme on saignait autrefois les corps malades, qu’on ligotait les âmes folles, qu’on torturait les femmes sorcières, les poètes fous, les écrivains visionnaires, tous ces êtres hors-norme, à l’opposé de ces écrivains, écrivaines, petits chiens, petites chiennes, ces censeurs tristes, oiseaux sans hauteur, mer trop étale, corps au piquet… Lire la suite en suivant ce lien