Études françaises et francophones contemporaines de Nicolas Kurtovitch

Publié le par ecrivainducaillou.over-blog.com

Études françaises et francophones contemporaines de Nicolas Kurtovitch

Un ouvrage publié dans une revue de l'Université du Nebraska, qui publie les derniers travaux d'universitaires, de romanciers, de poètes, d'artistes, de cinéastes et d'autres personnes impliquées dans les études françaises et francophones des 20e et 21e siècles. Nicolas Kurtovitch devait s’y rendre suite à une invitation, en 2020 mais la pandémie est passée par là.

À partir des modelages en terre de Maryline Tidjepache Nicolas Kurtovitch To cite this article: Nicolas Kurtovitch (2021)

À partir des modelages en terre de Maryline Tidjepache, Contemporary French and Francophone Studies, 25:3, 264-267, DOI: 10.1080/17409292.2021.1902688

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À partir des modelages en terre de Maryline Tidjepache de Nicolas Kurtovitch

Texte à télécharger en suivant ce lien (Texte intégral)

Extrait :

Je sais mon immédiat, j’ouvre les yeux, me reconnais.

  • Kurtovitch, Modelages

Le texte qui suit est un hommage, à la fois, au talent et au travail, de Maryline Tidjepache, sculptrice, ainsi qu’à la vie en Nouvelle-Calédonie, dans ses multiples dimensions, celles de la joie et du désir, des angoisses et des espérances. Une vie simple cependant.1

***

Je suis née de la terre par la volonté de l’eau des pierres des montagnes du vent du souffle du ciel, transformée en boules mouillées puis plaquées sur l’air, corps kanak.

Il faut du silence, laisser la tristesse s’en aller; il faut du silence, l’amertume trouve son chemin du ventre à la bouche ; il faut du silence et s’endormir enfin en laissant les mains bouger lentement, à petits coups et seules.

La vie est solitude à quoi bon s’attendre à trouver quelque part son amant, mais il faut aussi se tenir nue sur la terre, celle que je vais pétrir de mes talons, de mes genoux, des paumes de mes mains; celle sur laquelle je crache et pleure avant de la prendre encore mouillée et donner formes humaines aux esprits.

Après-tout il ne s’agit peut-être que de remonter les témoins du fond des âges, d’en appliquer les signes sur les ventres, les visages et les nuques; d’attendre la terre sèche l’humidifier de nouveau.

Garder tout contre soi l’amour des siens s’y perdre

Et comment ne pas danser en surgissant de nulle part comme surgissent du sol, des pierres et des souches ? Comment ne pas plier les genoux, se poser sur la plante des pieds, lever la tête le regard le cœur, armer son bras pour un lancer ? Pourquoi ne pas voir les yeux fermés ce qui ne se voit pas, ce qui se sent dans le mouvement et le déséquilibre d’un instant ?

Danser toujours, danser, se suspendre au ciel, se libérer de la boue. Voilà ce que je fais.

Finalement arrivera le jour (où) poussé par les racines et tiré par mes mains à la lumière au vent, au regard de mes frères, se tiendra un corps de terre, d’eau et d’amour, clamant à la surface du Monde : Je suis enfin debout, peut-être encore courbée et incertaine ; mais je me tiens là, par mes pieds encore mêlés au sol, par mon souffle indissocié du souffle de la forêt

où réside mon clan. Je suis là, à la fois être de rage et d’amitié. Regardez ! Arrêtez-vous ! Lisez sur ma peau encore fragile ! Je suis de cette île ! Lisez au fond de mes crevasses la douleur de la muette qui aujourd’hui, s’échappe de la gangue, frappe au cœur.

Et maintenant, je n’ai plus qu’à oublier l’eau et la terre, oublier également l’esprit et ma volonté. Oublier le désir de donner naissance, me contenter de mes mains abandonnées, libres indépendantes et reposées, les laisser, elles seules, agir, oubliant du même coup doigts et pouces, boue et lianes. Je ne désire plus rien d’autre qu’être là, accroupie ou debout, légère ou ployée sous le fardeau. Droite, appuyée sur mon ventre, allongée sur les grains de terre et regarder mes paumes lisser les corps, délivrer mon cœur des angoisses.

(Ainsi) ai-je franchi une porte, un passage et une étape, une passe dans le récif qui borde ma vie. (Ainsi) les mains boueuses à la rencontre de mes Vieux, les exhibant du passé. Je sais mon immédiat, j’ouvre les yeux, me reconnais. Ce n’est pas tout, j’invite à passer le regard au travers du voile, à s’enfoncer en moi, découvrir la force d’aimer, de connaître la force de dire le désir de ne plus voyager seule… Suite

Nicolas Kurtovitch is one of the leading voices in New Caledonian literature. His collections of poetry, short stories, and novels have received several awards, notably the Antonio Viccario International Poetry Prize, the Poetry Prize of the Ouessant Island Book Fair (for Le Piéton du Dharma), the Vi Nimö Prize (for Les Arbres et les rochers se partagent la montagne), and the Popaï Prize (for Les Heures italiques). He has been named a Chevalier in France’s Order of Arts and Letters, served as the first president of the Writer’s Association of New Caledonia, and is a founding member of the Geopolitics Center of New Caledonia.

Publié dans Poésie

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