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Publié le par ecrivainducaillou.over-blog.com

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Le plus de la rédaction : Bonne lecture à vous. Wws

Bonjour, avec un peu de retard (16h03). Je vous propose une partie d’un entretien avec une grande sœur, grand-mère de la tribu. C’est au sujet de l’eau, un problème récurrent aux îles Loyauté et notamment à Hunöj. Bonne lecture à vous. Wws

         Le puits de Hunöj.

         Je suis chez Mama Waitha, ma grande-sœur qui est aussi une des grands-mères de la tribu. Elle habite devant le temple. J’allais tout le temps la rencontrer lorsque j’arrivais à la tribu. Elle est une des personnes ressources de l'ancienne génération dont nous avions toujours besoin. Aujourd'hui, Mama Waitha a 79 ans. Elle était née en 1936. Je suis venu cette après-midi pour lui poser quelques questions au sujet de l'eau de la tribu. Je voulais savoir comment les gens de son époque se comportaient et comment l’eau était gérée quand Mama Waitha était arrivée à la tribu en épousant un homme de Hunöj, Naxue Luanana.

         Wawes : Mama Waitha, je voulais te poser des questions au sujet du Grand puits à côté du temple. Je voulais connaître ta pensée mais surtout comment les gens de la tribu utilisaient l’eau de ce puits.

Mama Waitha : Personnellement, je ne connaissais pas trop bien l'histoire de ce puits. Quand j’étais arrivée ici pour la première fois pendant mon mariage il y avait déjà le puits.

Wawes : Et vous, vous n’aviez pas de puits ici chez vous à la maison ?

Mama Waitha : Non, nous n'avions pas de puits ni de citerne ni de réservoir d’eau.

Wawes : Et du coup, vous vous rendiez au puits de la tribu pour vos besoins domestiques.

Mama Waitha : Eh bien, c'était là-bas que nous allions puiser de l’eau pour notre foyer. Nous puisions de l'eau en tirant sur une corde.

Wawes : Et avec quoi vous puisiez votre eau ?

Mama Waitha : Nous amenions avec nous le seau de la maison. Arrivé au bord du puits, nous attachions l’anse à la corde que nous descendions dans le puits. La corde était la propriété de la communauté. Elle restait là-bas à côté du puits. On descendait le seau dans le puits à l'aide d’une poulie et on le remontait une fois qu'il était rempli. Il était toujours plus facile de puiser de l'eau en groupe. Individuellement, le travail était plutôt pesant. Le poids de l'eau et du seau était très lourd. Le seau était une marque américaine arrivée chez nous après la deuxième guerre mondiale. C'étaient les Américains qui nous avaient fait parvenir cet ustensile. Je disais que le travail était moins pénible si nous nous retrouvions en groupe mais lorsqu'on était tout seul, le travail était très corvéable. C'était le cas pour nous autres ici à la maison parce qu’on était seulement deux à aller puiser de l'eau. C'était une très lourde tâche. On retirait alors l'eau du puits et nous remplissions nos bouteilles que nous disposions à côté de l'ouverture. Beaucoup de bouteilles en verre. À l'époque, on ne laissait pas traîner les bouteilles vides. On les récupérait pour les stocker à la maison. On trouvait toujours leur utilité. Celle de contenir l'eau pour notre usage domestique. 

On pouvait voir le fond du puits à cause de l'eau aux reflets d'argent. Elle bougeait comme si elle coulait doucement. On pouvait même regarder le seau descendre jusqu'à toucher le fond. Avec le recul de l'âge surtout, je me rends compte que le puits était quand même très profond. Avant, je ne m'en rendais pas compte. C'était peut-être à cause de mon âge et de ma force. Quand on se retrouvait à plusieurs, on se mettait à deux ou à trois pour tirer sur la corde qui allait de l'ouverture du puits jusqu'à l'autre côté de la route vers chez le vieux Ixöeë à une trentaine de mètres si ce n'était pas plus.

         Quand quelqu'un passait et rencontrait une personne en train de puiser de l'eau, il courait tout de suite à son secours. Il se rendait alors au puits pour donner un coup de main parce que tout le monde savait que puiser de l'eau était une tâche quotidienne et pénible. Un travail d'homme tout le temps assumé par les épouses. Une fois que nous avions retiré le seau du puits, chacun disposait son récipient à l'entrée et une personne se chargeait de remplir une à une ses bouteilles vides. On pouvait faire facilement notre travail quotidien sans être dérangé un moment par une voiture. Aucune voiture ne passait pas non plus sur la route. Nous avions largement notre temps mais aussi notre espace pour accomplir la tâche.

Wawes : Et le seau à qui il appartenait ?

Mama Waitha : Le seau était une propriété individuelle. Chaque femme amenait son seau de la maison.

Wawes : Et votre seau, était-il en quelle matière. ?

Mama Waitha : Notre seau était très lourd parce qu'il était en métal. Il était aussi très grand. Il n'y en avait pas d'autres que celui-là que nous étions obligés de l'utiliser, en plus, il y avait très peu de récipients par ici. Quand on se retrouvait à plusieurs autour du puits, le travail était allégé parce qu'on se mettait à deux ou trois pour tirer sur la corde. Mais le travail était tout autant harassant parce qu'il fallait puiser de l'eau pour une femme puis pour une deuxième puis pour le reste. On avait honte de remplir notre seau et de ne pas remplir le seau d'une autre femme. C'était comme ça chez nous.

Wawes : Et les bouteilles, de quelles matières étaient-elles ? Etait-ce déjà la période des dames-jeannes ?

Mama Waitha : À cette époque-là, nous ne connaissions pas encore l'existence des dames-jeannes. Une fois revenue à la maison avec les bouteilles d'eau, nous les rangions soigneusement dans un coin. Nous n'utilisions pas l'eau n'importe comment vu qu'elle était une denrée plutôt rare.

Wawes : Et cette eau que vous retiriez du puits, est-ce que vous la buviez ou vous en faisiez un autre usage ?

Mama Waitha : L'eau nous servait pour notre consommation domestique. Nous buvions cette eau et nous nous en servions aussi pour la cuisine. Mais jamais nous la buvions directement du seau. Mais des fois, il nous arrivait de la boire directement en la sortant du trou ; pendant des travaux communs de la communauté ; un mariage, un deuil etc.… Alors on pouvait se concocter une citronnade avec.

Publié dans Culture Kanak

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