Biographie longue car Déwé est une femme au destin exceptionnel :
Déwé Gorodé naît le 1er juin 1949, à Ponérihouen, sur la côte Est de la Grande Terre calédonienne, dans la tribu de Pwârâïriwâ, située à l'embouchure de la rivière qui donne au village son nom.
Études primaires dans la région de Houaïlou, baccalauréat de philosophie au lycée Lapérouse à Nouméa, licence de lettres modernes à l'Université Paul-Valéry de Montpellier : son parcours scolaire est brillant. En 1974, à son retour au pays, il la conduit à enseigner le français dans un collège catholique de la banlieue de Nouméa. Déjà, elle a dans ses cartons des poèmes dont l'écriture a commencé dès 1970, mais qui ne seront publiés que quinze ans plus tard.
En 1992, Déwé Gorodé participe à une mission de femmes au Mali. De 1994 à 1995, elle travaille pour l'Agence de développement de la culture kanak lors de la saison de préfiguration du Centre culturel Tjibaou. De 1996 à 1997, elle enseigne de nouveau le paicî à Houaïlou et Poindimié. De 1999 à 2001, elle dispense des cours d'histoire de la littérature du Pacifique et de littérature mélanésienne contemporaine à l'Université de Nouméa.
Dans le même temps, elle publie deux recueils de nouvelles et un recueil d'aphorismes.
Déwé Gorodé a assumé de 2001 à 2009 les fonctions de vice-présidente du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, en charge dans un premier temps de la culture et des sports, puis à partir de juin 2004 de la culture, de la condition féminine et de la citoyenneté. Depuis le scrutin de mai 2009, elle a quitté la vice-présidence mais demeure membre du gouvernement calédonien et a conservé le même portefeuille que dans la précédente mandature. Elle est, au 6 juillet 2019, la personne à avoir participé le plus longtemps aux Gouvernements néo-calédoniens, puisqu'elle en a été membre sans discontinuer de la création de cette institution en 1999 jusqu'en 2019.
Quelques écrits inspirés par notre période de confinement
1- Mars 2020
Si difficile à présent
Ne jamais m’arrêter
Des rencontres
Des gens
Des lumières des villes
Les paysages défilent
Un tourbillon une spirale
Des rires bruyants
Innocents
Trop jeunes
Indécents
Maîtriser le cauchemar
Le charmer
Mais elle est là
Brûlante
Tapie
Dans ma gorge
Je tousse elle est là
Je crie elle ne s’échappe pas
Ne couvre pas ma voix
Perle enrobée
À l’orient nacré
Pour l’avaler
Sans avoir mal
Elle me déchire le ventre
De ses aspérités
Elle
Vivante
Elle
Présente
Me tue
2- 29 mars 2020
L’eau brouille les couleurs
Mes cils la retiennent
Ce n’est pas la mer
Ni le ruisseau ni la rivière
C’est la révolte la fronde
Le marbre veiné d’ombres
L’obsidienne
La femme à l’arête du monde
Le ciel est gris acier
Le fond bleuté
3- 30 mars 2020
Sortie de la ville
Ne plus courir
Avouer la terre trop étroite
L’espace fragile
Le cœur battant de pierres froides
Qui cloîtrent la lumière
Se glisser dans l’enfance
Un éclat de rire court
Aller plus loin
Lentement
Respirer
Même avec un temps de retard
Toucher l’infini des parcours
Chanter les murmures les cris
Que l’oubli s’infiltre dans la mémoire
4- 31 mars 2020
Les lignes du papier jauni ondulent aux néons
Comme chevelure dans les tresses des vagues
La lumière en verdure vert sang
Craquèle les plinthes jusqu’à plus soif
Court instant de liberté
Dans le mur à enfoncer les doigts
Pénétrer ses fibres jusqu’au sol
Et disparaître dans les combles
Seuls des copeaux de bois
Tatouent un lino rouge
Autant de bouteilles à la mer
5- 4 avril 2020
Je descendais masquée, gantée, hydro-alcoolisée sur la Baie.
Ce jour-là, le calme était prodigieux, même le vent soufflait en se taisant.
À la fois le calme d’avant et d’après la tempête.
Une silhouette blanche de jeune femme courait après une laisse qui devait certainement contraindre un gros chien ; certainement, oui !
Des sourires d’or brillaient dans le soleil, mais à distance de plus d’un mètre ; ils engendraient des regards furtifs, des airs fugitifs, ne plus se parler, ne plus se connaître, regarder ailleurs, mais on ne peut effacer le plissé des lèvres, l’envie aux commissures d’échanger, même si les paroles restent dans la gorge.
Les pavés de la baie haletaient, la terre transpirait, il y avait même des oiseaux qui se cherchaient dans les banians, le sable crachait l’humidité, la mer était étale.
Les panneaux encore très neufs étaient ceux des interdits.
6- 8 avril 2020
La fin de l’été est grise à 10 heures, matinée chagrine
Discret le crachin se répand dans la baie
Et s’assoit délicatement
Sur les plantes, les chaises empilées, les stores défraîchis
Comme s’il lui fallait endormir le tout.
Les pancartes de doléances ont disparu
Seuls deux mots dégoulinent de noir
Mascaras en pleurs sur peau d’ado vieillie
Bulbuls et colibris se disputent les branches
Le Sud-Est çà et là mouchette la mer
Comme s’il renonçait à la brasser entière.
Je croise un foulard qui protège un visage
Deux plumes noires et blanches dans l’herbe jaunie
Je pense à toi
Le chien de la plage va prendre seul son bain
Je le siffle il ne me voit pas
Jamais il ne me voit
Et c’est tant mieux comme ça
Deux clochards se tiennent par le bras
Nul besoin de maître quand on porte un collier
Anne-Marie Jorge PRALONG-VALOUR est formatrice primaire, 1er et 2nd degrés
Bibliographie : trois recueils de poésies :
Tant qu’il y aura une aube Z4 Éditions ; Margeride Z4 Éditions ; Aube Pacifique Éditions Écrire en Océanie (à paraître)
« Un Homme a réussi s’il se lève le matin, se couche le soir et entre les deux a fait ce qu’il voulait faire. » (Bob Dylan)
Libre Confiné
Corps et chair confinés
Confus et atrophié
Faits et gestes maîtrisés
Serein ou dévoué
Esprit et imaginaire libérés
Evasif ou enjoué
Pas et mouvements comptés
Pensif ou éveillé
Besoins et moyens refoulés
Passif ou engagé
Mots pour maux approprié(e)s
Abusé ou rétamé
Paroles et verbe intériorisés
Alléché ou effaré
Sieste et repos exacerbés
Régime et diète enviés…
Au feu nos sacrés
Sacerdoce et vœux exaucés
Gageons avec Grâce
Providence et abondance
Pour déconfinement à rebours.
Vacuité ou dignité
Liberté est le propre de l’Homme !
Luc Enoka CAMOUI – (Hyabé Pweevo le 8/04/20)
Il nous offre aussi quelques citations populaires à méditer pour positiver l’avenir au présent :
« Ne consacrer sa vie qu’à faire de l’argent, c’est afficher un grand manque d’ambition. Cela exige très peu de nous. Car ce n’est que lorsqu’on s’attaque à une tâche qui nous dépasse que l’on réalise son véritable potentiel. » (Barack Obama)
« Le bonheur n’est pas une chose toute faite. Il découle de nos actions. » (Le Dalaï Lama)
« On devient ce qu’on croit. » (Oprah Winter)
« La seule façon de faire du bon travail, c’est d’aimer ce que vous faites. » (Steve Jobs)
« Les gens oublieront ce que vous avez dit, ce que vous avez fait. Mais jamais ce que vous leur avez fait ressentir. » (Maya Angelou)
« Le plus difficile, c’est de décider d’agir, le reste ne tient qu’à la persévérance. »
(Amélia Earhat)
Luc Camoui, écrivain de la cité
Instituteur et poète, Luc Camoui est l'une des figures de la poésie kanak. Son premier recueil, Phaanemi (Le ressouvenir), écrit avec son ami de toujours Georges Wayewol, est paru en 2006. Aujourd'hui les deux écrivains parcourent le globe et diffusent la culture kanak aux quatre coins du monde. (chapeau d’un article ancien des Nouvelle-Calédonienne)
la maison qui n’est plus habitée sinon d’herbes sauvages
dormir pourquoi n’est-ce pas possible
si seulement la pluie s’arrêtait
et le froid et la faim et la peur
suivre la berge
me dit-on jusque là-bas la porte bleue
mais la boue sur la berge me retient
ils se connaissent
se saluent au café petit matin froid intense
puis se séparent leurs pensées déjà bien loin
je regarde par la fenêtre
depuis là où assis sur la chaise je lisais
je vois le temps avancer au rythme des petits chiens tenus en laisse
la friche
par au-delà les rivages les gris les sales les encombrés
en arrière des cages pour humains bariolées laides mal fabriquées
si économiques
tant lucratives lapins partis
disparus exterminés morts de désespoir
un gamin hurle
un autre plus âgé peut-être sorti de l’asile étend son bras rigolard
arrête le passant pour un rien il ne sent pas la pluie sur son visage
est-ce la pluie que j’entends
de la clarté de la lune demeure le souffle du vent
autrefois il me portait jusque la maison
ce reflet après la pluie
sur les branches embrumées est-ce ton sourire
le nez à la fenêtre j'admire le vent et les grosses feuilles qu'il bouscule
j’ai cru voir une barque
peut-être une barque grise peinture ou usage
la pierre est floue passée au papier de verre
des images
des photos peut-être se présentent en désordre
elles montrent une ville ou rien un immeuble ou un arbre
la mer le port
elles sont extraites d’un album ancien oui ancien
où reposent également des visages amis
la rouille
gagne partout elle s’affiche rouge noire entre deux trous
ce détritus ôter ce sourire du pouce faire de la poussière
il se chargera
lui le vent de disperser tout ça
moi par les pierres je remonterai le torrent
par un matin
d’avril dès le soleil apparu on les vit se presser
vers les quais pas dix par vingt empressés
avec le soir il est encore possible d’imaginer
le lendemain tandis qu’à la nuit seul demeure sensible l’incertitude
de ce qui va advenir par la fenêtre on peut observer une lune
c’est la nuit oui
la nuit rien d’autre un autre peut-être est-il à ses côtés
il dit c’est seulement le soir le soir et rien d’autre c’est là toute la différence
échoué sur le rêve
non là sur la grève toute grise
un paquet d’algues toutes en longueur et luisantes
quelques phrases
pour dire que la nuit s’invite qu’il est temps
de fermer boutique il faut penser à la route à faire
par-dessus d’immenses amas blancs
nuages transparents toutes formes flottantes
oui par-dessus lesquelles s’évadent les animaux
C’est ainsi que s’achèvent
les jours à la mer bientôt ils seront souvenirs
dépose le texte regarde comme tout devient page blanche
la brume ne laisse voir
qu’une ombre de rocher la distance réduite à une seule main
si petite qu’elle n’englobe que l’inconnu
Nicolas Kurtovitch
En ce mois si particulier, de mars 2020
Nicolas Kurtovitch naît à Nouméa le 20 décembre 1955. Sa famille maternelle est installée en Nouvelle-Calédonie depuis 1843. Elle compte parmi les siens l'un des premiers français ayant posé le pied sur ce qui n'était encore, aux yeux de l'Occident, qu'une « terra incognita » : Jean Taragnat.
Néroli aux baies roses pour sortir des sentiers de la vierge
De la fleur d’oranger à faire des gâteaux pour bébés
Néroli à jasminer
Néroli sur les chemins de Damas la rose
Néroli et Bulgarie pour mettre le feu aux poudres
De la petite fleur blanche-enfant sage
Comme une image d’Épinal
Néroli à mettre au parfum
De coco
Pour lui apprendre à se déshabiller
Et à dévoiler ses seins
Nus
Sur le sable jaune qui fume
Comme une adoration au Soleil
Néroli à pimenter
Pour que l’Orientale sorte du harem
Comme une Tahitienne …
A noter : Sandrine Teyssonneyre a été la lauréate de la dictée du Pacifique 2020 avec le meilleur score, presqu’un sans faute. C'est une surdouée (je l'avais oublié dans ma programmation pourtant elle avait répondu dès les premières solicitations pour Mots Pour Maux)
Un soleil sans vigueur étirait l’horizon terne troué de pâles collines.
Elle n’avait gardé de la tristesse du torrent que l’éclat froid qui lui mordait la jambe et la douceur des galets, caresse moite à fleur d’âme.
Les écorchures de ses pieds dessinaient sur la grève d’anonymes esquisses,
Son souffle rauque effrayait les oiseaux,
Et c’est moi, petit homme, qui puisait à ce chant désespéré la force d’encore respirer.
Cette herbe folle cachait en elle la ténacité des chênes ancestraux.
Elle avait la grâce frêle d’un elfe fatigué mais la robe percée d’une gitane.
Elle avait la beauté des madones mais le regard crucifié de Marie sur Jésus.
Elle était la femme et j’étais l’enfant.
Elle était ma vie, j’étais sa promesse.
RENCONTRE
Homme, quand tu erres dans ces pays sans nombre
Où ton moi éperdu affleure le non – dit,
Quand tout le reste est vain, quand tout le reste est sombre,
Alors de ton chaos émerge une autre vie.
Quand tombe bas l’écorce de ta vieille peau
Et que léger tu oses murmurer aux oiseaux
La complainte du vent qui chante à ton oreille.
Quand de tes lèvres closes tu berces les abeilles,
Alors…je peux venir.
Là, où tout est si beau, là, où tout est serein,
Là, où les choses se nouent, là, où tout devient.
Dans ton pays d’ombres et de purs silences,
A l’à-pic de l’âme, au creux de l’absence,
Attends-moi, je viens…
Son dernier ouvrage : Bozù, Patricia Artigue, Éditions Écrire en Océanie, 2017. Elle a publié de la poésie dans l’ouvrage collectif ECLAIRE NOS PAS, QUINZE ANS DE POÉSIE chez l’éditeur Herbier de Feu
Nouvelle-Calédonie, 1995-2010
Une anthologie de 26 poètes dont Patricia Artigue, Anne Bihan, Luc Camoui, Pierre Gope, Déwé Gorodé, Nicolas Kurtovitch, Catherine C. Laurent, Denis Pourawa, Paul wamo, Waixen Wayewol…
Cette bibliographie n'est qu'un extrait de ses publications.
C'est à vous que je m'adresse parce que ma grand-mère disait toujours qu'il valait mieux s'adresser à Dieu qu'à ses saints. Je ne veux pas discuter avec le chef de la fanfare municipale, le maire, le préfet, le patron de la sûreté, du GIGN ou d'autres sous fifres. Quand un corps est gangrené par la septicémie on ne le guérit pas en allant chercher le rebouteux... Et on ne pose pas un Velcro sur un fourreau de Dior qui vient de craquer... J'espère que vous me comprenez, en tout cas moi je me comprends.
Voilà ce qui se passe : nous autres, simples petits écrivaillons du quartier Célières de Nouméa (une ville peu connue de la Présidence, il me semble, mais qui gagnerait à l'être davantage, enfin c'est mon avis et je le partage) sommes pris en otage par le P.I.E.D (Pour l’interdiction de l’écriture dirigée) . Entendez-moi bien, on ne nous a pas pris par les pieds, c'est le pied qui nous a pris. C'est clair ? Pour moi oui, je me comprends.
Le PIED nous a pris par surprise un lundi. Ce n'est pas que le jour soit important, mais cela mérite d'être signalé car c'est celui où on travaille. Un mardi, par exemple, ils auraient fait le pied de grue devant une porte close...Ne croyez pas que nous ayons pris notre pied dans cette affaire ! Non, puisque c'est le pied qui a fait la prise, vous me suivez ? Moi, je me comprends.
Bref, ces terroristes, je n'hésite pas à employer le mot, et pourtant j'ai bien conscience de son impact négatif sur un chef d'état à notre époque, ces terroristes donc... Bon, voilà qu'ils se fâchent ! Mais bon dieu, quel mot voulez-vous que j'emploie pour vous désigner ? Libérateurs ? Vous y allez un peu fort, tout de même !
Permettez, Monsieur le Président, que je règle notre petite querelle de vocabulaire avant de continuer...Vous nous prenez en otage et vous souhaitez que je vous nomme libérateurs ? Désolée, ce mot est inapproprié et je sais de quoi je parle, tout de même ! Émancipateurs ? Ce n'est pas un peu prétentieux ? Vous ne vous mouchez pas du pied si j'ose dire...Défenseurs des libertés ? En nous en privant, vous trouvez ça logique ? Pourquoi pas bienfaiteurs de l'humanité, tant que vous y êtes ? Sauveurs ? Rédempteurs même ? Vous me faites rigoler, tiens ! Pas vous ? Bon, après tout c'est vous qui tenez le pistolet, on va trouver un terrain d'entente linguistique : groupuscule armé, ça vous va ? Comment non ? Ah si ! Deux personnes ce n'est qu'un groupuscule, désolée de vous contredire encore, et c'est bien un pistolet que vous avez là, non ?
Comment ça non ? Il n'est pas chargé ? Mais bougres d'imbéciles vous ne pouviez pas le dire plus tôt ? On est huit, vous n'êtes que deux, vous croyez que j'aurais ameuté la présidence de la république sans ce foutu pistolet ? Votre opération, vous l'avez faite au pied levé, non ? Allez, qu'on attache bien fermement ces individus aux pieds de la table, ça leur fera les pieds, hé, hé !
Monsieur le Président, veuillez accepter nos excuses pour le dérangement. C'est ces gars qui étaient dérangés : vouloir faire interdire l'écriture dirigée ! Ce n'est pas à vous qui dirigez précisément notre grand pays la France que je vais apprendre les bienfaits de la contrainte ? Ici à l'atelier d'écriture nous nous épanouissons dans la contrainte. Et vos sujets devraient vous remercier d'être dirigés d'une main ferme par un homme aussi contraignant que vous.
Vous me trouvez trop courtisane ? Vous avez raison.
Huguette Montagne écrit des nouvelles et même du théâtre. Avec son sketch Tendresse écrit pour le théâtre Dis moi à quoi tu penses, je te dirais comment tu me hais… interprétéepar la comédienne : Marithé Siwéné dans le cadre Le cabaret des fous à lier, la voix aux paroles d’ici, paroles grinçantes et décalées en 2014. Elle lit des contes et des texte sur son compte Face Book pour apporter sa bonne humeur dans les foyers confinés. (voir le lien ci-joint)
La nuit est noire, ce soir. Vide d'étoiles. Emplie de silence. Les lampadaires brillent d'une lueur pâle et étalée, tâches de lumière. Traces éphémères sur la toile urbaine.
Silence assourdissant des rues désertes, de personnes sages ou apeurées. Qui lisent, font l'amour, dansent, se font du mal dans un espace confiné. J'ai envie et j'ai peur des mots. Des sons qui disparaissent comme si la vie respirait sereinement, que le danger s'éloignait.
Quand nous recouvrirons le chemin du bruit, des pas, de la consommation, de la pollution. Qui serons-nous devenus ? Plus sages, plus aimants, moins pressés, plus attentifs à ceux qui travaillent chaque jour pour notre bien et qui étaient devenus invisibles ?
Cette retraite forcée, cette vision de nous, seuls. Face à la solitude, face à nos proches trop proches. Occupés à remplir l'immobilisme, à remplir nos placards, à faire des réserves de denrées essentielles en quantités inutiles.
Les œuvres dans les musées se reposent, les parcs publics se ressourcent. Les ouvrages de la rentrée littéraire 2020 sont en écriture et auront un parfum particulier. La beauté n'est plus à notre disposition mais elle transpire partout dans les esprits. Elle reprend sa juste place. Éternelle.
Et la nature nous regarde. Elle se demande pourquoi nous avons déserté le terrain. Pourquoi nous sommes dans nos terriers. Figés. Que font-elles ? Ont-elles compris la leçon ? Pauvres créatures, terrifiées par l'invisible.
La nuit est noire. Et le silence nous embrasse. Enfin le temps a ralenti.
Née en 1964 en Nouvelle-Calédonie, Imasango passe son enfance entre Nouméa et la brousse où elle retrouve les racines de son métissage, avant d’effectuer des études de lettres en Europe et en Amérique du Sud. Passionnée de musique, de danse et de calligraphie, fascinée par les caractéristiques plastiques de la typographie, elle a longtemps préféré « exposer » ses poèmes plutôt que de les publier…
Retrouvez la sur son compte FaceBook où elle déclame de la poésie pour soutenir ceux qui souffrent.