Mots pour Maux : Nicolas Kurtovitch un poème concocté de sa résidence des Monts Koghis

Mes yeux le jour
mes yeux le jour
voient-ils la nuit
en passant par le chemin
celui qui borde la mer
mes pas sur la terre
marchent-ils sur l’eau
je sens vibrer la cascade là-bas
est-ce l’eau ou bien la pierre
qui bat le rythme
je contemple la nuit depuis la terrasse
mes doigts caressent-ils Venus
ou se perdent-ils dans le néant
j’entends des paroles venir de partout
mes oreilles captent-elles le silence
mon cœur lorsqu’il bat
s’arrête-il de battre
au matin la vie survient
avec la mort elles regardent
la mort et la vie s’embrassent
dans un amas de nuages
je distingue un cheval blanc
il tire une simple charrette
par millier nous nous y tenons
debout agrippés aux rebords
la course s’arrête-t-elle
faute d’une piste carrossable
les rues vides et lisses
se peuplent-elles dans l’ombre
les devantures sans esprit
vont-elles s’agiter après mon passage
l’herbe qui ne cesse de pousser
raccourcit-elle en secret durant la nuit
mes pieds au torrent
caressent-ils le sable
j’ai chanté à la lune
elle se penchait pour mieux entendre
cette voix incongrue
que rien ne pouvait améliorer
le vent cesse-t-il de souffler
parce que les sons ne portent plus
des enfants crient face à l’horizon
celui-là discerne-t-il leurs secrets
mes yeux une fois encore en plein jour
verront-ils le naufrage invisible
parce que la nuit cache les naufragés
mes mains lorsqu’elles agrippent le vent
retiennent-elles aussi de l’eau
ma bouche salive
embrasse-t-elle la salive
ma peau de sueur se recouvre
celle-ci sur quel établi s’égoutte-t-elle
des yeux se ferment depuis mille ans
mille ans que des yeux se ferment
mes yeux le jour et la nuit
voient-ils en simultané
la peur et l’espérance
le monde ancien peu à peu s’effacer
de quels poèmes couvrirons nous la page blanche
de quelle utopie sociale remplirons-nous avenues et campagnes
mes oreilles entendent-elles mes yeux
mes yeux voient-ils mes mains
mes mains caressent-elles l’odeur sucrée de la pluie
mon cœur rejoint-il la peau du tambour
guide-t-il nos pas ce tambour
depuis les Koghis Avril 2020
Retrouvez Nicolas Kurtovitch à Ouessant en suivant ce lien