Mes nuits avec Roymata

Publié par Joël PAUL

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Mes nuits avec Roymata

De Joël PAUL

Editions Paterna Paternis

 

Mes nuits avec Roymata est le titre de ce recueil et sa nouvelle principale. Une histoire née au Vanuatu en 2010 après une visite au muséum de Vila et le choc, pour l’auteur, de revoir cette photographie célèbre du petit squelette de femme enlaçant celui d’un homme d’une des tombes fouillées par José Garanger. Une fouille qui prouva aux plus septiques que la légende des sujets de Mata enterrés vivants en même temps que lui, n’en était pas une.

 

Roymata fait parti du mythe de Ti Tongoa Liseiriki chronique des anciens chefs qui repeuplèrent  Tongoa après un terrible cataclysme raconté dans la légende Kuwae, une histoire aussi fantastique que celle du roi Mata.

 

 Il y a sept autres nouvelles dans ce recueil dont deux ont été lauréates de concours en 2011 « Che si asciuga le castagne ora ? » prix « Ecrire les vies d’ici » organisé conjointement par Ecrire en Océanie, la médiathèque de l’Ouest et l’association des bibliothèques du Nord ainsi que « C’est ça le destin commun » prix organisé par Convergence-Pays et la bibliothèque Bernheim.

 

Joël PAUL est né en 1952 en Picardie. Il débarque en Nouvelle-Calédonie à la fin des années soixante après un voyage de 45 jours à bord du Calédonien, paquebot des Messageries Maritimes. Il réside à Nouméa depuis cette époque.

 

Extrait de « Mes nuits avec Roymata »  

J’avais déjà vu ces photographies et entendu parler de cette histoire. La légende autour de ce grand roi me turlupinait depuis plus de quarante ans. Lors de mon premier passage à Vanuatu qui s’appelait encore Nouvelles-Hébrides, les quarante sept squelettes des tombes des sacrifiés avec le Roi Mata venaient d’être mises à jour. La légende venait d’être confirmée, un événement pour Efaté et une révélation pour le monde scientifique…

Avant que les fouilles ne commencent, le tabou sur l’endroit perdurait depuis plus de cinq cent ans. L’herbe sur les tombes n’avait jamais repoussé. Après les fouilles et la levée du tabou, bien que tout fut remis en place, même les bijoux, les innombrables bracelets de dents de cochon qui ornaient les bras des chefs, l’herbe se mit à repousser, une anecdote, entre autres, qui m’avait fortement marqué. Parmi ces photographies jaunissantes exposées au musée, je fus interpellé par un petit squelette, lové amoureusement contre celui plus grand d’un homme, du roi Mata peut-être…

 

Editions Paterna Paternis B.P. 232 -98810- Mont-Dore Nouvelle-Calédonie  

E-mail : paulj@lagoon.nc


Vanuatu un archipel volcanique mélanésien  

Situé dans l'océan Pacifique, à 540 kilomètres au nord-est de la Nouvelle-Calédonie, le Vanuatu se compose de 81 îles, plus deux qu'il revendique – l'île Matthew et l'île Hunter – occupées actuellement par la France dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie. L'archipel couvre environ 12 000 km2 et s'étend selon un axe Nord-Nord-Ouest/Sud-Sud-Est.  

 

Les îles ont un climat tropical ou subtropical, sont d'origines volcaniques et montagneuses (excepté Aniwa, au Sud, et l'atoll de Rowa, dans les îles Banks, au Nord). Les trois plus grandes îles de l'archipel sont Espiritu Santo, Malekula et Éfaté.


Risques naturels  

 

Le pays est situé au sud-est de la ceinture de feu. Certaines îles volcaniques sont encore en activité, comme les îles de Tanna avec le volcan Yasur, d'Ambrym avec les volcans Marum et Benbow, de Gaua avec le mont Garet, ou encore Aoba (Ambae) et Lopevi avec les volcans homonymes. D'autres volcans sont endormis, comme le Karua, volcan sous-marin situé dans la caldeira de Kuwae entre les îles d'Epi et de Tongoa. Cette caldeira, maintenant sous-marine, s'est formée lors d'une éruption cataclysmique en l'an 1452 qui a profondément modifié la morphologie des îles.

 

 

En novembre 1999, un grave tremblement de terre suivi d'un tsunami ravagea l'île de Pentecôte et laissa des milliers de personnes sans foyer. En janvier 2002, un autre puissant tremblement de terre, également suivi d'un tsunami, endommagea la capitale, Port-Vila, et ses environs. Le 8 août 2006 et le 1er août 2007, deux autres séismes se sont fait ressentir sans toutefois provoquer de dégâts majeurs ou de tsunami car trop profonds. À noter en 2007 que le séisme déplaça le pont de Luganville sur l'île d'Espiritu Santo.


Kuwae (source IRD)

 

Dans l’Archipel des Nouvelles Hébrides, la tradition orale relate dans une légende la disparition, au cours d’un cataclysme volcanique, d’une terre nommée Kuwae qui englobait les îles actuelles d’Epi et Tongoa. Des dépôts épais de cendres et ponces — caractéristiques d’éruptions explosives de grande magnitude — recouvrent en effet ces îles. D’autre part, la découpe concave et l’abrupt des côtes se faisant face soulignent la présence d’une large caldeira sous-marine entre les deux îles.    

 

Des levés bathymétriques ont précisé la profondeur et les limites de cette caldeira dont l’âge, obtenu par une série de datations au 14C sur bois carbonisés remonte avec certitude au milieu du XVe siècle. Cet événement cataclysmique est probablement le plus important que l’homme moderne ait connu, par les dimensions de la structure (12 x 6 km), l’amplitude de l’effondrement (entre 800 et 1100 m) et le volume de magma éjecté (32 à 39 km3). L’éruption de Kuwae a eu une magnitude comparable aux éruptions de Santorin (Grèce) il y a 3600 ans et de Tambora (Indonésie) en 1815. Une violente crise sismique, accompagnée de larges glissements en mer a précédé l’éruption. Alertée par ces phénomènes précurseurs, une partie des habitants eut le temps de se réfugier sur les iles voisines.

 

Cette éruption est enregistrée dans les glaces du Groenland, sous forme d’un pic d’acidité correspondant aux années 1452-1453. Les changements climatiques qu’elle a provoqués furent perceptibles à l’échelle planétaire pendant plusieurs années, comme le montrent de nombreux écrits relatant un climat anormalement froid en Asie et en Europe. Un cône volcanique s’est construit dans la caldeira. Au cours des cent dernières années, les causes de six émersions de ce cône méritent d’être identifiées, autant sur le plan scientifique que prévisionnel. S’agit-il de simples cycles de construction-érosion marine, ou bien de pulsations du toit de la chambre magmatique sous-jacente, en relation avec de nouvelles alimentations profondes ?


500 ans de tradition orale  

 

Si les sociétés de l'écrit ont consigné les traces des événements exceptionnels causés par les volcans, permettant de reconstituer une partie de leur histoire, les traditions orales peuvent également contribuer à la connaissance d'une région et guider le travail des volcanologues. C'est ainsi que s'est transmise depuis plus de 500 ans, de génération en génération, l'histoire du cataclysme de Kuwae. Recueillis par des missionnaires, puis rapportés par des anthropologues, ces récits ont guidé les archéologues qui ont découvert les preuves et réalisé les premières datations. Des géologues enfin ont situé avec précision (1452) ce gigantesque cataclysme.


 Tombuk (source IRD)

  

Tombuk, homme originaire de Lopévi fut trompé par les gens de Kurumwambe qui, par jeu, le firent coucher, à son insu, avec sa mère, femme de mœurs légères. Ayant reconnu sa mère trop tardivement et désespéré de son geste incestueux, il décide de mourir et de faire périr les gens responsables de sa faute. Il part à Lopévi, chez son oncle qui lui donne les moyens de sa vengeance sous la forme d’un lézard, véhicule de la puissance des volcans. Il organise une fête qui dure six jours. Chaque jour, un porc est sacrifié, dont il attache la vessie, après l’avoir gonflée, à un arbre de fer. Sous cet arbre, il avait caché le lézard enfermé dans un bambou. Il fait éclater successivement les quatre premières vessies ce qui cause un tremblement de terre de plus en plus intense. Kuwae bascule puis éclate en morceaux en même temps que la cinquième vessie. Quand Tombuk fait éclater la sixième vessie, un volcan surgit de terre à l’emplacement de l’arbre de fer sous lequel était caché le lézard. Tous les assistants sont tués.

 

Asingmet, un enfant de Mangarisu avait échappé au cataclysme, il était occupé à piéger les oiseaux sur la terre qui reliait alors Tongoa et Tongariki. Il s’enfuit vers Tongariki en courant le long de la côte de Kuwae, s’abrita dans un tambour et fut découvert par une jeune femme : Tarifegit, qui avait échappé elle-même à la catastrophe. Tous deux furent recueillis par des gens de Makura. Asingmet devenu Ti Togoa Liseriki, revint ensuite sur l’une des îles qui restait de l’ancienne Kuwae et qui depuis est appelée Tongoa. Ce nom vient d’une plante épineuse qui fut la première à repousser sur l’île. Les gens qui s’étaient réfugiés à Efate dès les débuts du cataclysme, revinrent peu à peu s’installer à Tongoa.

 

José Garanger, tiré d’Archéologie des Nouvelles-Hébrides


NB : Sur la photographie de couverture prise lors de ce voyage au Vanuatu, le personnage en buste à coté de moi c’est  Vasily Mikhailovich Golovninpremier navigateur européen à visiter, en 1809, l’île de Tanna après le capitaine James Cook. Un personnage qui mériterait à lui seul un livre. On ne trouve pas grand-chose sur lui sur la toile mais après s’être mis au service des Anglais plusieurs années. Il a de nouveau parcouru le monde pour son pays la Russie a été fait prisonnier par les Japonais. Bref un vrai aventurier, un personnage de roman à explorer. 


Informations sur José Garanger et ses fouilles

    

José Garanger révolutionna les méthodes de fouilles archéologiques dans le Pacifique, mais ce fut aussi un humaniste qui avait un profond respect pour les populations vivant sur le territoire où il travaillait. Cet article vient confirmer ce fait. Il relate le processus de restitution des pièces historiques de la sépulture de Roy Mata qui eut lieu en 2000 pour répondre à une promesse faite quarante ans auparavant aux habitants du Vanuatu.

 

Extrait d’un article Le Journal de la Société des Océanistes « Promesse tenue ». José Garanger et le retour au Vanuatu des objets de la sépulture de Roy Mata par Christian Coiffier(Cet article très intéressant est téléchargeable en version PDF)

José Garanger et le respect des cultures locales

José Garanger avait conscience qu'une bonne campagne de fouilles ne pouvait aboutir positivement que si l'archéologue réussissait à établir un climat de confiance avec la population vivant près du site exploré. C'est ainsi qu'il écrit :

« L'archéologue est un intrus dans la société autochtone. Les simples relations d'employeur à employés, sanctionnées par un échange monétaire, sont ici insuffisantes. Croyances et traditions veillent sous les attitudes modernisées et il y a grande indiscrétion à soulever ce voile et plus grande indiscrétion encore à toucher au domaine des morts. Il est donc non seulement nécessaire de se faire accepter mais encore indispensable d'obtenir que sa curiosité ne soit pas indiscrète et que le groupe lui-même participe à l'intérêt de sa recherche. » (Garanger, 1972 : 18)

4José Garanger transmit cette déontologie du métier d'archéologue à deux générations de jeunes archéologues. La méthode d'approche du terrain et l'organisation de la fouille en coopération avec les autorités locales était pour lui la clé de la réussite. L'ethnologue Jean Guiart (1996 : 40) reconnaît que la démarche du professeur Garanger a été l'un de ses apports méthodologiques importants. En Océanie, toute intervention dans le domaine des morts interfère avec celui des vivants car il n'y a pas de réelle barrière entre ces deux mondes comme en Occident. José Garanger était un homme pragmatique qui savait écouter les uns et les autres pour tirer de leurs discours les précieux indices qui allaient donner un sens à ses recherches. C'est en confrontant ainsi la tradition orale mythologique à la réalité scientifique qu'il put comprendre que le passé historique local avait été masqué par les nouvelles idéologies apportées par les Européens depuis deux cents ans. Il en tira la conclusion suivante :

« Aucune civilisation ni aucun homme ne peut vivre sans passé. Le malaise est grand dans ces îles mélanésiennes où le passé des hommes fut trop brutalement voué aux enfers, où le présent n'est qu'une incessante hésitation entre le désir de s'opposer et l'effort de s'adapter à des pensées religieuses, à des principes d'autorité, à des systèmes socio-économiques étrangers. » (Garanger,1972 : 15)

Sa méthodologie, associant plusieurs sciences comme l'ethnologie, l'histoire et l'archéologie, se révéla très constructive dans le développement des recherches interdisciplinaires en sciences humaines dans les archipels du Pacifique. Elle permit de développer les connaissances générales sur le passé de l'Océanie et particulièrement sur celui du Vanuatu. En mettant au jour les restes d'un passé qui n'était connu que par la tradition orale, José Garanger a fait ressurgir la fierté des ni-Vanuatu vis-à-vis de leur histoire.

 

Les recherches archéologiques de José Garanger au Vanuatu

6Les recherches archéologiques de José Garanger aux Nouvelles-Hébrides (l'actuel Vanuatu) se firent dans le cadre d'une mission conjointe franco-américaine (1972 : 9) placée sous l'égide de l'ORSTOM (l'actuel IRD) pour le côté français. Les îles du sud et celles du nord furent fouillées par les archéologues américains Mary Elisabeth et Richard Shutler. De son côté, José Garanger fut chargé en 1964 et en 1966-1967 d'effectuer des fouilles dans les îles du centre du Vanuatu (nord d'Efate, Makura et Tongoa) pour étudier les niveaux pré-et post-volcaniques et tenter de vérifier les données de la tradition concernant l'ancienne Kuwae. Dès 1964, José Garanger s'enquit de savoir où se trouvait Mangaasi, le lieu du farea de Roy Mata, le chef principal de l'île d'Eretoka évoqué par les informateurs de l'ethnologue Jean Guiart. Après avoir terminé ses travaux à Leleppa, en 1967, il revint à Mangaasi pour prospecter et faire le relevé général de ce site. L'endroit présumé de la sépulture de Roy Mata était considéré comme tabou. Il fallut toute l'habileté et le professionnalisme de José Garanger pour obtenir des autorisations de fouilles (Garanger, 1996 : 73). En tout, près d'une quarantaine de squelettes fut découvertedans cette sépulture collective. Ces derniers ne furent pas déplacés, mais seulement photographiés et étudiés sur place.

José Garanger ne préleva que des parures (bracelets en dent de cochon arrondie, colliers et pendentifs taillés dans des dents de cétacés, brassards en perles, bijoux de coquillages) associées à la position sociale des défunts. Ce sont ainsi plusieurs centaines de tessons de poteries mais également des éléments d'outils lithiques, de corail ou de coquillages, trouvés lors des précédentes fouilles dans les îles de Tongoa et d'Efate qui furent apportés en France pour y être étudiés et analysés (Garanger, 1972 : 59). Avant son départ des Nouvelles-Hébrides, José Garanger fit la promesse aux chefs coutumiers et aux autorités administratives que cet ensemble serait restitué ultérieurement, en l'occurrence dès que toutes les études auraient été terminées et publiées. Ces matériaux lui permirent de présenter à la Sorbonne une thèse de doctorat es-lettres dont l'essentiel fut publié par la Société des Océanistes et l'ORSTOM sous le titre Archéologie des Nouvelles-Hébrides, contribution à la connaissance des îles du Centre (1972). En 1980, José Garanger, sous son propre nom, mit en dépôt, au département d'Océanie du musée de l'Homme soixante et une pièces sous le numéro de collection M.H. 980 D.113.

 

Couverture du livre et dédicace au SILO 2014 avec Michèle Beaudeau, Jean-Marie Creugnet et Frédéric Ohlen
Couverture du livre et dédicace au SILO 2014 avec Michèle Beaudeau, Jean-Marie Creugnet et Frédéric Ohlen

Couverture du livre et dédicace au SILO 2014 avec Michèle Beaudeau, Jean-Marie Creugnet et Frédéric Ohlen

Publié dans Ouvrage de Joël PAUL

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