Nueasalin, le numéro 42, du 12 mars vous fera découvrir la douce mélodie. Rozanë

Publié le par ecrivainducaillou.over-blog.com

Nueasalin, le numéro 42, du 12 mars vous fera découvrir la douce mélodie. Rozanë

Le petit journal de Tiéta paraît inlassablement et son Responsable de la publication, Léopold Hnacipan mérite un grand coup de chapeau. Je n’ai pas trouvé sur YouTube sa mélodie mais une mélodie à la fin de cet article vous rappellera des souvenirs. Qui n’a pas des souvenirs heureux de séjours aux îles et en particulier à Drehu. JP

hnacipanl@gmail.com

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Le Billet de Léopold Hnacipan :

Bozu. L’extrait d’un de mes livres relate l’histoire de Kalabus, devenu un lieu-dit. Autrefois, l’endroit était une léproserie. J’ai une pensée à ma grande famille décimée par la pandémie du siècle dernier. Tous sont morts à Cila (une léproserie) dans l’arrière pays quand on va vers le bord de mer en passant par la tribu de Nang. Papa et une tante mariée chez les Paici (Poindi-Wimia) en sont les seuls survivants. L’arrière grand-père étant parti chez les aborigènes. Il n’était jamais revenu. Ces départs-là, je les ai vécus comme de l’intérieur en me rendant coupable de quelque chose dont je ne suis pas responsable et dont j’ai du mal à expliquer. N’est-ce pas là le poids de l’Histoire qui sommeille en tout homme et qui le rend responsable de la vie tout cours ? Du coup, j’associe Cila au confinement que nous endurons en ces temps douloureux. Mais je le prends comme un mal nécessaire. Je ne pense pas connaître à fond pareil drame. Je dois seulement l’embrasser par la pensée. Cela n’est peut-être pas suffisant et la masse voit le phénomène se dérouler loin là-bas comme dans un film. Derrière l’écran. L’océan étant toujours une barrière suffisante à leurs yeux. Grave ! Il faut donc faire prendre conscience aux nôtres que les petits films du Net tant visionnés des cercueils entassés dans les rues des grandes villes pourraient aussi bien être le spectacle de notre quotidien. J’ai déjà eu vent de comment ma famille (et des gens de Hunöj bien sûr) vivait la séparation de cette époque-là (de Cila/pas de Kalabus, trop loin dans le temps.) Que d’affliction ! Mais les citoyens du pays prennent encore le confinement pour un délassement et un prolongement des fêtes de fin d’année. Ils se donnent alors rendez-vous sous des ponts ou dans des parties de bingo pour le plaisir de se rencontrer et par conséquent propager la maladie (le cas des porteurs potentiels du virus.) Pour ma part, je suis de l’opinion que les autorités sévissent. La populace n’est pas assez bien éduquée pour endiguer les grandes catastrophes. Trop d’assistanat et moins prompte pour assumer des responsabilités. Grave, une deuxième fois. De ce fait, pour le bien de soi, de la race, de l’humanité, de tous, le devoir de mémoire, et autres thèses ; respectons le confinement ! L’adage : « Loin des yeux ; près du cœur » doit jouer pleinement son sens pluridimensionnel. Oleti, amdö comme le disait toujours Mme Yvana …

« Kalabus en français signifie prison. Cet endroit a servi autrefois à isoler les malades atteints de la lèpre. Une ancienne léproserie. Ce devait être au tout début avant les années 1900. En 1849 exactement. Le premier malade de Drehu devait être de chez nous. Kalabus a existé avant Hnawetr[1] entre Kejëny et Thuahaik. Cila, à la tribu de Nang[2] était la dernière léproserie avant l’ouverture du centre Raoul Follereau[3]. On y arrive par cette allée de pierres entassées. Cette allée de pierres mène vers la citerne que voici.

Aelan écoutait de toutes ses oreilles. La citerne était creusée à même le sol. Deux mètres de large et une longueur à peu près de quatre mètres et une profondeur de deux mètres. Avant d’arriver à Hunapo i Qëmek il fallait passer par Kalabus. Une rangée de cailloux entassés faisait office d’allée. A l’époque, il devait exister des maisons à côté de la citerne. La toiture servait à recueillir l’eau de pluie pour l’alimenter. Mais la nature avait repris tous ses droits. De tout temps, quand on allait à Mele, Kalabus servait d’endroit pour se reposer. Il y avait un figuier aux fruits rouges sous lequel le passant s’asseyait avant de repartir. De là, il pouvait apercevoir les racines des grands arbres et des lianes tomber dans la citerne et plonger dans les entrailles de la terre.

- Les gens de Hunöj, dit Trotreijë ont grandi avec cet héritage de la nature et une autre partie aussi de mystères. Tout autour de la citerne, poussaient des flamboyants témoins de cette époque. Les xaj[4] et les autres grands arbres ne poussaient pas à cet endroit. Vois cette végétation un peu plus clairsemée. Le dernier cocotier, fruit de ceux sûrement plantés par les lépreux à Kalabus, a disparu il y a de cela quelques années.

- Celui-là ? dit Aelan.

- Tu vois le dernier cocotier avait servi de croisement de chemin et de déviation pour éviter de faire la rencontre d’un grand serpent qui avait son nid sous des pierres pas loin du sentier que nous empruntons. C’est mon grand-père qui a changé la direction du sentier. Grand-mère Qahnuma avait très peur de ce genre de bête. Les gens ont suivi, maintenant nous ne passons plus droit. Dommage, parce que c’était plus court. On gagnait du temps pour arriver à Qanope Hise.

Aelan écoutait les explications comme sur un banc. Il était en prise directe avec l’école des noirs. Des kanak. L’école de la vie. Il était émerveillé qu’un citoyen de seconde zone de la république à la tribu, lui apprenne tout ce que beaucoup de personnes ignoraient, l’histoire de cette léproserie.

Ils écoutaient aussi les chants de toutes sortes d’oiseaux, les abeilles bourdonnant, lourdement chargées, le vent plissant le feuillage, couverture de la forêt. Trotreijë et Aelan étaient dedans. Ils sirotaient une bière avant de s’en aller vers les falaises, là où se trouvait la grotte de Qanope Hise, un autre endroit débordant de mystères. Aelan écoutait avec passion les explications de son ami, qui était incollable sur l’histoire du lieu. » (Extrait de Ponoz cordon ombilical de Léopold Hnacipan)

 

Pour votre confinement, je vous sers la douce mélodie. Rozanë. Un peu de tendresse du groupe des Mike de Jua e Hnawe que j’affectionne particulièrement. Cela me ramène à mes années collège. Je me souviens très bien comme si c’était hier. 1979, alors que j’allais passer mon brevet et Chuuuut (…)

Bonne lecture à vous de la vallée.  Ww

Ps : Kalabus, c’est à un peu plus d’une heure de marche de Hunöj, si vous voulez vous y rendre.

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[1] Une léproserie ouverte après la fermeture de Kalabus à Hunöj

[2] Il y avait aussi la léproserie de Nang à Cila dans le district de Wetr, c’était après Hnawetr

[3] L’actuelle léproserie de Nouméa située dans la presqu’île de Tindu

[4] En Drehu, une variété de grand arbre qui pousse dans les forêts de l’île.

Publié dans Culture Kanak

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